Les raisins de la colère (Grapes of Wrath) - John Steinbeck
L'histoire (Résumé):
Dans les anneés 30, l'Amérique est en pleine Dépression. Les propriétaires terriens, qui vivent du fruit de leurs modetstes cultures, voient leur situation menacée chaque année en cas de mauvaise récolte. Lorsque une tempête de poussière s'abat en Oklahoma et recouvre l'intégralité des cultures, condamnant les familles à une année sans production agricole, le glas sonne pour ces petites gens sans autre revenu.
Chassée de leur terre par "la Banque", et l'industrialisation des cultures, la famille Joad part, comme des milliers d'autres familles, en direction de l'Ouest, emmenant avec eux tout ce qui reste de leurs biens. Leur objectif: atteindre la Californie, terre dorée et féconde où, paraît-il, le travail dans les plantations est abondant et bien payé. Des rêves plein la tête, toute la famille affronte le long périple vers cette terre promise.
Mes impressions de lecture:
Bien que je n'aie pas encore lu beaucoup de romans de cet auteur, John Steinbeck reste pour moi un monument de la littérature américaine que je prends toujours énormément de plaisir à retrouver. Cet impressionnant roman, pilier central de son oeuvre, traînait depuis quelques temps dans ma PAL, surtout parce qu'il m'intimidait de par sa longueur et son charisme. J'ai finalement franchi le pas, et bien entendu cette lecture s'est révélée être un fabuleux moment.
Il m'est compliqué de parler de ce roman, un des chefs d'oeuvre de la littérature du XXème siècle, déjà longuement débattu, critiqué, encensé, décrypté. Le prix Pulitzer de Steinbeck en 1940, et son prix Nobel de littérature en 1962, en témoignent. Je vais toutefois essayer de convaincre ceux qui ne l'auraient pas encore lu et qui, comme moi, n'oseraient pas s'y attaquer.
"Les Raisins de la Colère" nous plonge dans l'Amérique profonde de la Grande Dépression. La famille Joad tente de s'extirper de la pauvreté, chassée de ses terres par "les machines" qui en prennent possession. Premières victimes de la Dépression et de l'industrialisation à outrance, les petits propriétaires fermiers sont contraints de quitter leur région pour atteindre des terres moins hostiles. C'est à travers ce périple que Steinbeck dénonce les "coupables" de la Grande Dépression: les promoteurs du capitalisme, les responsables de l'industrialisation dévastatrice. C'est donc un véritable plongeon en apnée qui s'offre au lecteur, dans le cercle vicieux économique créé par les grands industriels, et qui semble condamner peu à peu toute la population ouvrière agricole. Il dira d'ailleurs de son livre: "I want to put a tag of shame on the greedy bastards who are responsible for this [the Great Depression and its effects]".
Ce phénomène incontrôlable crée la rancoeur, la haine, de ces exploitants destitués. Avec une grande simplicité, et énormément de talent, Steinbeck crée l'empathie chez le lecteur. Je n'ai pas pu rester indifférent au sort des Joad, qui savent rester positifs, courageux, braves. L'injustice dont il font l'objet, et leur impuissance face à une situation qui les dépasse, déclenchent une compassion débordante pour les personnages. J'ai souhaité le meilleur pour eux, j'ai voulu qu'ils surmontent les situations les plus désespérées, mais l'issue est inévitable, et souvent fataliste.
Le style de Steinbeck est simplement sublime. Très abordable, et à la fois très riche. Il sait emporter le lecteur dans un réalisme déconcertant, et nous y accrocher jusqu'à la fin du roman. Ce que j'ai particulièrement apprécié dans ce roman, c'est l'articulation de chapitres longs, propres à l'histoire des Joad, et de chapitres courts, où l'auteur reprend un peu de hauteur pour décrypter à plus grande échelle les événements que traversent les personnages du livre. Steinbeck nous montre ainsi les tenants et aboutissants de cette mutation économique qui est en marche, et qui laisse derrière elle de nombreuses victimes anonymes. J'ai pu souffrir - et apprendre - les paradoxes de l'industrialisation à outrance qui sévit alors en Amérique.
Bien entendu, on retrouve ici le fatalisme propre à Steinbeck, que j'avais déjà pu retrouver dans "Des Souris et des Hommes", et dans "La Perle". Je me suis senti comme intoxiqué par les faux espoirs et les rêves envolés, qui semblent finalement plus durs à encaisser que la dureté de la vie. "Les plans les mieux conçus des souris et des hommes souvent ne se réalisent pas" [extrait d'un poème de Robert Burns, qui a inspiré à Steinbeck le titre de son roman "Des Souris et des Hommes"] semble s'appliquer ici aussi...
Je n'en ajouterai pas plus, ce roman m'a profondément marqué et n'est pas de ceux qui s'oublient facilement. Le style de Steinbeck est incontournable, et ce monument de la littérature ne fait pas exception. Même si j'ai pu regretté le manque d'épilogue pour conclure le périple des Joad, le livre se termine sur une image forte, une de celles qui font refermer le roman avec le cerveau embrumé, et le retour à la réalité des plus difficiles. Une seule question finalement: comment ai-je pu attendre aussi longtemps avant de m'y plonger?
Ma note:
Coup de cœur!!